La prose café

A l’heure de la prose café les tartelettes étaient striées. Les vrais dés s’étaient fait la malle, un nain en avait fait une jaunisse. Frustré de n’être pas coupable, il les coupait à qui mieux-mieux, il insistait pour passer un câble et nous on sonnait la cloche. Se répéter et regarder, le temps devenait étirable. On s’emmerdait, il se marrait, c’était l’heure d’éponger la table. Des mouches faisaient des rase-mottes, des fourmi se faisaient la malle, des guêpes faisaient le plein : Il y avait des miettes dans tous les coins. Les jambes longues, les bras croisés, des géants inventaient le monde, alors les nains en profitaient. On jouait à la balle. Il s’écoutait de la musique et on voyait des déhanchés. On râlait pas, on s’amusait, les géants étaient occupés. Quand on était cinq au Tarot, on refaisait la carte de France. On avait des atouts plein la manche. Un nain ne meurt jamais idiot. Si les pions étaient stratégiques, la reine devenait punique. Les nains devenaient des espions. Surtout l’été. La prose café durait longtemps, les géants avaient tout leur temps. L’univers devenait scandale, je scandais des chants partisans. Ils inventaient des réceptacles, quelques nains peignaient, dessinaient. D’autres déplaçaient des montagnes, d’autres lisaient. Si la porte ouverte se fermait, on s’échangeait murs ou prisons, on mettait l’argent sur la table, la reine avait toujours raison. Las de n’être pas milliardaires on ramifiait avec des cubes, entre deux rangées de tomates, les nains cueillaient. Des amis s’invitaient à table, leur couvert était toujours prêt. Jusqu’à la prose café ils s’emballaient. Ils s’accueillaient. Les paroles envahissaient l’espace, les oreilles parfois s’oubliaient, les nains en profitaient pour filer. C’est bien quand chacun reste à sa place. Le sablier allait trop vite, la main manquait de précision, les idées s’invitaient sans suite. Les géants allumaient des cigarettes. Les cubes roulaient, les billes incubaient. C’était l’heure de la prose café. Dans les frousses et dans les froissés on inscrivait des caractères à coup de plumes éphémères. Les aubergines posaient. Des poulets nommés « 7 nains » on faisait des plats mémorables. Sauf au début. Vu que les nains étaient plusieurs, ça faisait du monde à compter, surtout quand ils jouaient au menteur. Pauvres leurrés.

Anna Collado, 2015 – 09 – 30, rue Palmiéri

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